CamilleG

Ce jour où je me suis faite contrôler par la BAC

J’imaginais naïvement que cela n’arrivait qu’aux autres. Et bien détrompez-vous, la brigade anti-criminalité de la police nationale interpelle même les blondes à Paris ALORS QU’ELLES NE PARTICIPENT PAS AU MOUVEMENT DES GILETS JAUNES. Mais avant de vous dévoiler cette magistrale aventure, laissez-moi vous plonger dans une nouvelle histoire digne d’une de celles de Pierre Richard.

Par un chaud et ensoleillé vendredi, j’avais décidé de sortir la panoplie du « friday wear ». Pantalon en velours aux motifs léopard certes un peu serré mais on sait toutes que dans une heure le tissu se sera détendu, tee-shirt noir basique et veste en blue jean. Sans oublier la touche archi décontractée : les Stan Smith blanches et vertes bien usées, limite devenues beiges. On appellera ça le détail zadiste. J’étais même allée jusqu’à oser le petit foulard noir noué autour du cou, histoire de protéger ma gorge et d’anticiper les averses, les giboulées, ou autres mauvaises surprises non détectées par les météorologues.

Voici le fameux pantalon.

C’est avec joie que je me rendais au travail, traversant la rue Rivoli et son brouillard de pollution quotidien. Sur le chemin je regardais furtivement cette Dame, brûlée quelques jours plus tôt. Quelle tristesse. Et quelle perte pour la France ! Petite pensée pour tous ces complotistes qui réfléchissent toujours aussi dur pour dénicher des théories (incompréhensibles, nulles et immatures). Méfiez-vous, les pro terre plate gagnent du terrain. Je ne plaisante malheureusement pas.

A mon arrivée au bureau, après avoir attendu quinze minutes que ma boite email daigne ENFIN s’ouvrir, ma responsable me confia LA mission de la journée. J’allais finir la semaine en beauté, j’étais refaite pour Pâques. Amen.

« Tu es disponible ce midi pour te rendre sur le tournage du reportage pour le JT de 20h de ******** (grosse chaîne télévision nationale ») ?
« Absolument.
« Tu auras fini pour 16 heures je pense.
« Parfait. »

Puis j’ai repensé à ma tenue et là je me suis dit que le « friday wear » c’était vraiment une arnaque. Les mecs qui ont inventé ce concept n’avaient jamais connu les déplacements professionnels 100% imprévus. J’allais me pointer sur un chantier de construction, dans un univers masculin, devant une équipe de journalistes, de cameramans, de preneurs de son et d’ouvriers, habillée comme une ado (ou une prostituée au choix). Zéro crédibilité. Ma réputation était fichue d’avance.

Sur place, tout se déroulait comme prévu. J’avais réussi aisément à grimper l’escalier de l’échafaudage qui conduisait sur les toits d’une partie du Palais-Royal à Paris. Je saluais sur le passage les tailleurs de pierre et arrivais au niveau des couvreurs. J’esquivais les réflexions misogynes habituelles « ah les femmes n’ont rien à faire sur les échafaudages, elles seraient mieux à la cuisine« .

Ecoute-moi bien, mieux vaut pour toi que je sois ici devant toi plutôt que derrière les fourneaux à glisser de la mort aux rats dans ta purée surgelée. Tu ne crois pas ?

J’admirais le journaliste diriger sa petite équipe. J’étais bluffée, mais par autre chose. Mais comment font-ils pour rester des heures de debout sans avoir mal au dos ? Je dois certainement me faire vieille. Je ne sentais plus mon bas du dos. J’étais vraiment tendue.Mais je n’avais pas le temps de me plaindre, il me fallait prêter attention à ce que le collaborateur de mon entreprise répondait aux questions du journaliste (pour une fois pas tordues ou piégées).

Après trois heures, l’équipe décida de changer de lieu. Elle voulait terminer son reportage de quatre minutes avec un plan sur Notre-Dame, histoire de faire pleurer dans les chaumières. Mais l’idée collait bien avec l’esprit du mini-documentaire, comment le lui refuser ?

C’est en voiture que nous avons, en une heure, rejoint le second chantier situé à moins de trois kilomètres. Ah Paris… Et ses interminables travaux, ses bouchons, ses touristes, et maintenant ses trottinettes de m****, sans oublier les fabuleuses idées d’Anne de réduire les voies. Quelle capitale fantastique.

En pénétrant dans le hall de l’immeuble, le chef de chantier nous donnait quelques consignes.

« Montrez-vous discret, les habitants sont des personnes aisées (pour ne pas dire blindées) et sont très suspicieux face aux inconnus. »

C’est mal tombé, nous sommes six à traverser la cour intérieure qui menait à un nouvel échafaudage. Cette fois-ci l’escalier pépère fut remplacé par des mini-échelles placées quasiment à la verticale. Au moins quinze à monter (sans vous parler des trappes à soulever à chaque niveau), pour atteindre le sommet de cette bâtisse d’au moins sept étages.

Vous ai-je déjà parlé de mon vertige maladif (à la suite d’un saut à l’élastique) ?

A la quatrième échelle, au moins à 15 mètres du sol, prise d’une crise de panique, j’ai dû rebrousser chemin les larmes aux yeux. Malheureusement l’échelle qui conduisait à la délivrance était trop compliquée à descendre toute  seule (pour la monter j’ai été aidée par deux messieurs).

« Attends-nous au premier niveau de l’échafaudage, ne prends surtout pas l’échelle seule, c’est trop dangereux. »

Tu m’étonnes que je vais t’attendre patiemment. Pas vraiment le choix de toute évidence. C’est ça ou le drame.

Alors que j’étais (très mal) assise sur une parcelle métallique, je me sentais comme observée. J’étais entourée de façades d’immeubles. A ma gauche, derrière les volets fermés, j’entendais un chien hurler à la mort. Derrière moi, en diagonale, une fenêtre de cuisine où deux chats sans poil guettaient mes moindres faits et gestes. Même les animaux appuyaient mon statut d’intrus.

Je ne pensais pas que cela pouvait être pire.

Soudainement, débarqua de nul part dans la petite cours intérieur de l’immeuble, tel un super héros (au chômage ?), un habitant de l’immeuble :

« La police arrive » annonce-t-il fièrement.
Choquée et bouche-bée je baissais les yeux vers cet individu aux allures de paon. Le mec se prenait pour Zoro donc. Pour quoi ? Pour qui ? Mais pourquoi en fait ?

Et là déboula une équipe de mecs sans uniforme. C’est quoi ce délire ? J’ai su après coup par un autre voisin (mais sympa celui-là) que c’était la BAC, avertie par des habitants qui s’étaient persuadés que j’étais une voleuse. SU-PER. Camille la gangsta, rien que ça !

« Vous faites quoi ici ? »
« Bah je travaille… »
« Vous faites quoi sur l’échafaudage, il faut descendre maintenant. »
« De la gymnastique ! Attention j’arrive en salto arrière, hop poussez-vous je vais sauter » Non je plaisante, je n’ai absolument rien répondu de tel.
« J’attends l’équipe de tournage et le chef de chantier. Je n’ai pas réussi à monter et je suis bloquée ici à cause du vertige. »
« Ils ont une carte presse ? »
« Oui bien sûr, ils bossent pour ****** (grosse chaîne de télé, gros suspense)
« Mais vous avez vu leur carte presse ? »
Euh…. BAH NON !!!!!!! C’est quoi cette question ? Mais je n’allais pas leur balancer ceci. J’ai dit oui j’ai vu la carte presse nia nia nia nia bla bla bla !
« Il faudrait qu’on vérifie vos papiers. »
« Ah bah montez moi je suis bloquée, j’ai aucun intérêt à rester ici vous imaginez bien. J’attends qu’on m’aide à descendre l’échelle pour rentrer chez moi. » 

Les forces de l’ordre se concertèrent quelques secondes et lâchèrent l’affaire. Franchement en terme de cambrioleurs ils avaient vu mieux et plus réaliste que moi.

« Ok pour nous. »

Un d’entre eux pris le talkie-walkie et lâcha un :

« 36, DELTA, 36 »
« J’écoute »
« Rien à signaler »

Et ils repartirent aussi vite qu’ils étaient apparus. Pourrait-on m’expliquer pourquoi quand MOI j’appelle la police pour des faits plus graves personne ne débarque jamais ? Est-ce une question de pouvoir d’achat ?! Peut-on soumettre cette dernière question au grand débat national ?

A peine remise de ce qui venait de se passer qu’il fallut que je me coltine un AUTRE voisin qui avait décidé de faire justice soi-même. Souvenez-vous des deux chats qui me fixaient, et bien le propriétaire certainement alarmé par ses félins, me vit et ouvrit violemment sa fenêtre de cuisine. J’ai bien cru que le volet allait tomber.

Le bruit sourd me fit sursauter. Je n’étais pas au bout de mes surprises.

« Tu es qui ? » aboya-t-il avec ce dur accent russe que je déteste tant.
Ton père connard. Tu te prends pour qui pour me tutoyer ?
Il est venu le temps, non pas des cathédrales (ahah), mais de mon second interrogatoire en mode KGB. Et croyez-moi, à côté les flics français sont des agneaux. J’ai cru qu’il allait sortir un couteau et me découper chaque doigt. J’étais au bout de ma vie. C’était trop d’émotions pour moi. Il m’hurlait dessus avec des yeux noirs. Après avoir déversé sa haine, il me ferma la fenêtre au nez. Moi qui comptais sympathiser avec lui pour pouvoir descendre par ses fenêtres, c’était très mal barré.

Vingt minutes plus tard, j’entendis l’équipe reprendre les échelles. La délivrance était proche.

Sauf que le russe en avait décidé autrement. Comme tout bon film d’horreur, il manquait la scène improbable ! Il était descendu dans la cour, sous mes pieds je le voyais, les sourcils froncés, le regard levé vers nous. Le mec avait clairement que ça à faire. Il aurait pu aller sortir son chien qui hurle, mais non il s’était donné pour challenge de venir embrouiller le chef d’équipe et le menacer d’écrire une lettre à son responsable. Mais pour dire quoi ? Que tout le monde a donné son accord pour notre venue sur le chantier ? Pour dire qu’une blonde était assise sur un échafaudage pendant 30 minutes ? 

C’est la question qui plane encore… Si vous avez la réponse, n’hésitez pas ! On est toujours dans l’incompréhension la plus totale !