Franchement, on pourrait tirer une mini-série de ce qui suit. Si j’avais cru un jour qu’en devenant maman je me retrouverais à mener l’enquête pour démanteler un réseau de pédophiles, j’aurais hurlé de rire. Mais comme dirait MamanG « à toi, il t’arrive toujours des événement extraordinaires ». En vrai, c’était davantage cru « tu cherches toujours les histoires, faut pas t’étonner après ».
La semaine commence plutôt bien, il fait beau, ma fille fait sa meilleure sieste, je me régale à jouer à Age of Empire II, version remastérisée. Bref, je n’en fous pas une, je profite du moment présent comme ils disent tous.
Et paf je tourne ma tête vers mon téléphone portable ; l’icone d’un email me sort de la défaite que je suis en train de vivre. Tout prétexte est bon pour se détourner de la chute d’un empire n’est-ce pas. J’abandonne la partie. J’aurais dû la jouer moins passive.
Le nom de l’expéditeur me redonne le sourire. Une célèbre photographe avec qui j’ai eu le bonheur d’immortaliser ma grossesse par de magnifiques photos, me propose de shooter avec mon bébé pour le magazine Vogue France. Je ne suis pas vraiment étonnée, elle est si talentueuse que ses clichés font le tour du Monde. En revanche, quand elle parle de rémunération alors qu’on le sait tous dans le milieu : les mags de mode mondiaux profitent de leur notoriété et visibilité pour payer au lance-pierre, quand il y a un budget, chose rare, les photographes, alors les mannequins… Vous imaginez bien. QUE DALLE. Sauf que là… Elle me parle de 1200 euros par photo sélectionnée par la rédaction. MMhhhh….
Le thème me semble étonnant mais pourquoi pas… « Maman, bébé et allaitement ».
(Oui j’allaite encore ma fille, l’allaitement long choque en France mais c’est une pratique connue et recommandée dans de nombreux pays. Mais là n’est pas le sujet).
En revanche, j’ai complétement été agacée par la pression de la photographe pour le jour du shooting et la façon de procéder. Un shooting, non pas dans son studio mais via une vidéo SKYPE ? On n’arrête plus le progrès. Et aujourd’hui en plus, sinon c’est MORT. Pas de shooting, pas d’argent (lol).
Sur le principe j’accepte mais à peine ma réponse envoyée que je regrette déjà. Un shooting dans moins de deux heures alors que je suis actuellement au parc ? Mes cheveux sont franchement pas soyeux aujourd’hui, j’ai certainement mal dû les rincer après mon shampoing dans la précipitation (vis ma vie de Maman), je ne suis pas maquillée, mes ongles je n’en parle même pas. Et la vraie question que je me pose et qui est la suivante « est-ce que j’ai véritablement envie de m’afficher les boobs à l’air dans Vogue, même contre plus de mille balles pour ma fille et moi ? ». NON. Flemme. Mais soyons honnêtes, au fond de moi, je sentais qu’un truc ne tournait pas rond. Puis mon mari n’était pas forcément favorable à l’idée de nous voir dans la presse. Ce n’est pas pour rien qu’elle n’apparait d’ailleurs pas sur la place publique (coucou la vie privée, coucou le droit d’image, coucou le consentement, coucou CamilleG qui donne des leçons ni vu ni connu).
Je décide alors d’aller sur le profil Instagram de cette photographe pour voir si elle parle de ce projet via un casting ou autre. Je ne trouve rien de la sorte, en revanche, dans ses stories, elle alerte sur le fait que quelqu’un se fait passer pour elle pour photographier des mamans pour Vogue Magazine, via un email frauduleux.
Je vérifie l’email : Outlook. Alors qu’habituellement on y voit son prénom@le nom de son site. com Je vous avoue que je n’avais pas pris la peine de vérifier ce point car je connaissais l’expéditeur affiché.
Mon cœur s’emballe, ma pression augmente, j’ai le sang chaud je l’avoue, je suis assez remontée rapidement et souvent pour pas grand-chose. Mais là, je suis clairement écœurée par la situation.
Quel est le malade qui veut voir un bébé téter ?! Sérieusement ? Qui est-ce qui est excité de voir manger un bébé ? Des pédophiles pardi ! Les mêmes qu’on condamne en France, et qui une fois en prison bénéficient de remises de peine et qui retournent sur le marché à se délecter de photos et vidéos que les parents adorent mettre en public sur les réseaux sociaux.
Scandaleux. Et j’ai failli tomber dans ce putain de piège glauque. WHAT THE FUCK CE MONDE DE FOUS. Hier la guerre en Israël retentit et aujourd’hui un réseau de pédophile veut mater ma fille. Mais qu’on leur coupe la teube à ces abrutis.
Je me connecte alors au lien SKYPE, bien décidé à voir jusqu’où ces gens sont prêts à aller pour arriver à leur fin. Et bien ils sont prêts à tout. J’imagine que le scénario se répète, que les stratégies restent à chaque fois identiques. Mise en confiance, bla bla mais quand les choses ne se passent pas comme prévu, la pression monte. Je me suis sentie oppressée vous allez comprendre pourquoi.
J’arrive dans la conversation avec, appelons-le, le malade.
Je suis certaine qu’il s’agit d’un homme, d’ailleurs il n’arrive pas à accorder le participe passé « ée », truc de mecs ça encore. Il me sort son briefing. Alors on ne va finalement plus shooter en live mais je dois « faire des vidéos d’allaitement dans le lit puis dans la douche » et les lui envoyer sur SKYPE. Et pourquoi pas dans une cave ? Ce n’est pas assez sensuel la cave SALE MALADE ?
Il ne se gêne pas de me rappeler d’envoyer rapidement les vidéos, qu’il a un autre shoot qui l’attend. Bla bla.
Le délire du lait : dégueu. Incroyable. Genre le lait se voit en photo ou en vidéo quand un bébé tête ? Il n’y connait rien ou il est complétement con celui-là ?
J’appelle mon mari. Choquée par la situation je n’arrive pas à connecter mes neurones. On veut s’en prendre à notre fille ! On veut toucher notre fille. Non, non, non, non. Je suis en train de perdre les pédales et ma fille qui hurle de joie, à ce moment précis, en descendant le toboggan des plus de six ans. Elle a monté quatre mètres par un cordage à moins de deux ans en moins de trente secondes. Ma fille, cette cascadeuse.
« Appelle la Police ? » me dit-il.
Hein pour leur dire quoi ? De venir voir mon téléphone ?
Bah tu vas faire quoi toute seule ? »
Direction mon meilleur ami, GOOGLE. Je tape « dénoncer pédophilie sur Internet ». Je tombe sur un aperçu d’un article de BFM avec un numéro de téléphone surligné. Je copie-colle ce dernier sans trop réfléchir et j’appelle.
L’article portait le titre suivant « Le numéro d’appel pour prévenir le passage à l’acte des pédocriminels ». PARFAIT. Ce numéro, non surtaxé et confidentiel, est en fait à destination des personnes attirées par les enfants pour éviter le passage à l’acte.
Je ne comprends pas le charabia du disque en boucle sur lequel je tombe « pour ne pas passer à l’acte bla bla ». WHAT ? C’est moi qui vais passer à l’acte ? Quel acte ? Comment ça ? Je viens de composer un numéro à destination de pédophiles. Vous imaginez ma peur ? Ils vont enregistrer mon numéro, me remonter, appeler les services sociaux et embarquer ma fille.
Je compose alors le dix-sept pour prouver ma bonne foi.
Et vu les tapages diurnes ou nocturnes du quartier, ce numéro fait partie de ma liste des favoris AHAH. Je ne plaisante qu’à moitié
« Police Secours j’écoute.
Oui bonjour Monsieur, je vous appelle pour dénoncer un réseau de pédocriminels.
Ils sont avec vous actuellement ? (ouais on prend un café là….)
Non mais cyber pédo criminalité, par Internet ! Ils veulent que j’envoie des photos de bébé qui allaite. Et c’est en live, c’est maintenant, là tout de suite, sur mon téléphone que ça se passe !
Il faut porter plainte au commissariat.
Mais non ils agissent là, il faut vite agir avant qu’ils ne disparaissent. Vous comprenez ? (Ouais non mais j’étais à fond et les parents présents au parc me dévisageaient comme si j’étais une zadiste avec ses trois chiens).
Je vous passe ma collègue ».
Le Monsieur déconcerté par ce que je venais de dire me transfère sa collègue qui pourra davantage prendre en charge le dossier.
« Oui j’écoute.
Bonjour Madame, on m’a passé votre service. Je suis tombée sur des cyberpédocriminels qui me réclament des vidéos de bébé.
Cyber pédophile ? Attendez, je ne comprends rien du tout là.
Sur SKYPE, un pédophile s’impatiente car je ne lui envoie pas du contenu pédophile et c’est urgent, c’est maintenant que ça se passe.
Ah bah voyez avec PHAROS pour dénoncer cela.
Mais PHAROS y’a ZERO contact Madame, j’ai déjà regardé ! Je suis tombée sur un numéro pour les pédophiles ! Voilà ce qu’on trouve quand on cherche à dénoncer les réseaux de pédophiles !
Bah oui mais je ne peux rien faire de plus, faut contacter PHAROS.
Mais ce n’est pas possible ? On laisse les pédophiles dans la nature à chercher des vidéos de bébé là ? C’est impossible de rien faire !
Oui mais nous on n’y peut rien. Mais merci de nous avoir prévenus. Bonne journée. »
JE SUIS Remontée. Mon dieu, c’est quoi ce pays ? Révoltée, scandalisée, outrée, je n’ai plus les mots, j’appelle mes parents.
« Papa, tu as le numéro de PHAROS ? Ou de quelqu’un qui connait une personne qui y travaille ? »
Et là double appel, il n’a même pas le temps de répondre que je reçois un appel d’un numéro privé. Je parie que ce sont les flics, il n’y a qu’eux pour appeler en privé (ou les ex qui ne servent à rien).
« Attends je te laisse la Police me rappelle. »
Et là, pour ne pas changer, mon père m’a encore pris pour une folle.
« Madame ? Vous venez de m’appeler. Je me suis renseignée auprès de mes collègues et j’ai récupérer un numéro de portable de PHAROS mais je ne sais s’il est encore d’actualité hein.
Ok alors attendez je vous mets en haut-parleur et je le note. Non ne jette pas du sable sur les copains Chérie. Euh pardon je suis au parc. Oui je vous écoute. »
J’enchaine les coups de fil et ma fille les jeux du parc. Chacun son truc. Je tiens entre mes mains un numéro très privé. Vous allez halluciner.
« Allo ?
Oui bonjour la Police m’a donné votre numéro pour une histoire de cyber pédo criminalité.
Attendez, d’où ils vous ont donné ce numéro ? C’est ultraconfidentiel et que pour les urgences.
Bah là on parle de bébé et pédophiles donc c’est une urgence Monsieur !!!
Oui ils ont bien fait. Bon donnez-moi votre e-mail, je vous envoie mes coordonnées et après notre conversation vous allez m’envoyer tous les détails, les captures d’écran et autres. Et surtout n’envoyez aucune photo ou vidéo (sans blague). »
Et c’est ainsi que je lui ai tout expliqué, de A à Z. Il a acquiescé c’est typique des réseaux de pédophiles. Tout correspond à leur mode de fonctionnement.
« Je vous envoie le lien SKYPE, connectez-vous pour venir voir !!!
Je ne peux pas faire du terrain, je ne suis pas accrédité pour faire cela. Je ne peux que mener l’enquête avec PHAROS. Surtout, ne transmettez à personne ce numéro et effacez-le après notre conversation »
Une fois raccrochée avec ce policier de la Police Judiciaire, de la sous-direction de la cybercriminalité, je lui envoie tous les éléments en ma possession et je continue de faire miroiter au malade de SKYPE que je vais lui balancer les vidéos tant attendues. Je lui fais croire que tout est parti. Il s’impatiente, s’énerve car il ne voit rien apparaitre dans la conversation.
Bizarrement, on passe à TROIS participants dans la conversation quand je fais croire que j’envoie les vidéos.
En parallèle, je cours après ma fille qui déboule dans les rues en trottinette, et raconte toute l’histoire à une amie.
« Dis-lui que tu n’arrives pas à envoyer les fichiers, demande-lui de te donner un 06 ».
Pas bête ! J’essaie mais le malade ne lâche aucune information confidentielle. Il préfère ouvrir une seconde conversation SKYPE car il pense que le lien de la première ne fonctionne pas correctement. Quel teubé. Je lui explique que je n’arrive pas à m’y connecter, il me réclame alors les vidéos par email. Je lui réponds que c’est trop lourd. Il en vient alors à me demander une vidéo de moi ?
Ouais bon le mec partait dans tous les sens, je n’avais plus l’envie de jouer à ce petit jeu, je l’ai remercié pour son temps et ai lâché une bombe qui l’a fait fuir.
Ce qu’il faut retenir de cette mésaventure : soyez vigilants, vraiment, surtout quand ça concerne vos enfants. Ne donnez pas à manger et à boire à tous ces malades qui trainent sur Internet et sur les applications à la recherche de contenu photos ou vidéo d’enfants.