Parce que nous vivons dans une société complètement anesthésiée par le « byzarrisme », je suis certaine que plus d’une d’entre vous auront certainement vécu ce genre d’épisode tragique.
Un lundi midi, juste avant de terminer ton thé et de retourner te scotcher devant ton écran de bureau, tu avais matché avec ce mec. Tu te souvenais lui avoir brièvement parlé quelques mois auparavant, mais sans avoir donné suite. Sur le coup tu n’avais pas fait le rapprochement. Il te rappelait vaguement quelque chose mais bon il faut dire que les hommes se ressemblent tous : barbe, regard froid, yeux marrons et cheveux mi-longs (+ tatouages). Des clones.
Vous avez discuté et même échangé quelques blagues. Le feeling passait assez bien. S’en sont suivis quelques coups de téléphone. Tu avais hâte de passer à l’étape suivante : LA rencontre.
J-1
Jusqu »ici tout se passait normalement. Sauf que la veille de votre rencard, au téléphone, vous en êtes venu à évoquer les propos d’une jeune journaliste féministe (brune, catholique, et pro FN). Le genre de gonzesse qui te sort par les yeux mais qu’apparemment lui il aime défendre.
« J’ai envie de la punir » t’a t-il subitement lâché.
WHAT ? Tu as conclu qu’il faisait preuve de second degré et tu as préféré rebondir en argumentant sur le pourquoi tu n’appréciais guère cette figure du féminisme moderne. Le mec est clairement monté dans les tours, non pas pour sauver une princesse mais pour t’incendier avec un ton à la Sarko. Il hurlait au téléphone.
« Arrête de dire n’importe quoi tu es médiocre. Je préfère arrêter de te parler. BLA BLA. Comment peut-on être aussi médiocre ! BLA BLA C’est dingue de dire des choses médiocres comme celles là ! C’est vraiment mé… »
« …diocre ? OUI J’AI COMPRIS JE SUIS MÉDIOCRE CAR JE NE PARTAGE PAS TON POINT DE VUE. OKAY ALLEZ JE TE LAISSE BONNE NUIT. LA FILLE MÉDIOCRE VA SE COUCHER. AH ET PUIS TU PEUX OUBLIER POUR DEMAIN SOIR JE NE VOUDRAIS PAS T’ENNUYER AVEC MA MÉDIOCRITÉ. ALLEZ BONNE NUIT. BISOUS »
Voilà. Désillusion totale. Encore un malade d’Internet. Un barge de Tinder. Sans déconner c’est quoi le souci des humains ? Qu’on me file un chat, un chien ou même grenouille au point où j’en suis, j’irais faire ma vie avec !
JOUR J – 10h43
Le lendemain matin ce même bonhomme t’envoie 3 sms pour s’excuser, te demander pardon pour son excès de colère car le pauvre il était tout stressé à cause de son boulot tu comprends… Il veut vraiment te rencontrer. Lui et toi c’est un coup de foudre cérébral. BLA BLA.
Et là tu as repensé à cette phrase de ta mère
« Arrête d’être aussi exigeante, parfois les autres aussi font des erreurs. »
Tu finis par lui répondre, quelques heures plus tard histoire de montrer c’est qui la Patronne.
OKAY JE COMPRENDS (quelle belle faveur et preuve d’empathie tu fais là, l’univers te récompensera ahah)
ON SE VOIT CE SOIR COMME PRÉVU.
JOUR J – 20h50
Quelque part dans Paris, près d’une sortie métro. Il arrive à ta gauche et te touche l’épaule. Tu sursautes, tu ne l’avais pas vu débarquer. Tu le regardes. Mince il ne ressemble finalement pas à ses photos. Punaise. Tu croises son regard, il semble « nerveux » et ne t’inspire rien d’autre qu’un sentiment de « mal à l’aise ». Il te fait la bise, enfin il essaie, il s’emmêle les pinceaux et commence par le mauvais côté. Ah ouais limite il allait te mettre un coup de tête là. Tu l’as échappée belle.
21h03
Le verre se transforme finalement en dîner. Monsieur est « affamé, il va, je cite, dévorer une côte de bœuf devant toi ». Toi tu prendras une assiette de légumes, de toute façon des rencards pareils ça coupe l’appétit.
21h15
Mon dieu qu’est-ce qu’il est soporifique ! Et qu’est-ce qu’il a gesticulé de manière aussi saccadée ! Les bouts de son burger volent de sa fourchette et il ne le remarque même pas. Mon Dieu c’est quoi ce plan ? Il n’a pas pris ses pilules celui-là ou quoi. Et le pire dans l’histoire c’est que tu n’as rien à lui dire ! Le mec ne t’inspire rien, sauf un article !
ALLO MAMAN BOBO, PROCHAINE FOIS JE NE PARDONNERAI PAS LA DÉBILITÉ DES GENS !
21h18
Tu as lâché le morceau. Tu es partie loin dans tes pensées. Demain à 14h il faut d’ailleurs que tu passes chez ta copine déposer des livres. Le matin tu espères trouver la motivation pour aller au sport… Accessoirement tu réponds aux questions du drôle d’énergumène, enfin à son interrogatoire. Profession / Projet professionnel / Pays Visités / Il ira même jusqu’à demander la profession de tes parents-de tes frères ! (non maman je n’ai pas donné votre activité, ne vas pas me faire des histoires)
21h20
« TU VAS ARRÊTER DE FAIRE CA ! AU LIEU DE CA TU POURRAIS ME POSER DES QUESTIONS C’EST PAS POSSIBLE D’ÊTRE COMME CA ».
Le gars s’est subitement surexcité sur sa chaise et a continué de balancer de la nourriture partout autour de lui, le tout, en tapant son verre sur la table et en frappant son assiette avec ses couverts.
Mais c’est quoi encore ce délire ?
« Faire quoi en fait ? »
Toi tu as gardé ton sang froid. A vrai dire, tu étais bien trop étonnée par la tournure des événements pour réagir.
« TU ME REGARDES DANS LES YEUX ! » (bah oui abrutit je ne vais pas regarder tes genoux !!)
TU ES IRRESPECTUEUSE ! TU ARRÊTES CA TOUT DE SUITE ! C’EST PAS POSSIBLE DE TOMBER SUR DES TARÉES PAREILLES ! »
Pour terminer son assiette encore plus rapidement, il s’est mis à s’empiffrer la bouche de frites avec ses mains.
Mais c’est quoi cet homme des cavernes ?
Okay TOUT LE MONDE TE REGARDE ! Tous les yeux sont rivés sur toi là. Claquement de doigt, téléportation. Non rien ne se passe. Tu es toujours en face du malade mental. Tu ne sais plus du tout où te mettre ! Et l’autre qui gesticule comme une pieuvre ! Il va finir par te planter sa fourchette dans l’œil si ça continue !
21h22
Soudainement Il se lève, attrape son manteau et manque de renverser les chaises voisines. Il se dirige vers le comptoir.
Ni une, ni deux, tu chopes ton sac, t’enfuies dehors et t’engouffres dans le métro. Les jambes tremblantes, tu as l’impression d’être dans une autre dimension intergalactique. Est-il en train de te suivre avec un couteau ?
Tu viens de dater un schizophrène (ou peut-être un bipolaire).
Morale de l’histoire : tu sais enfin ce que ça fait de partir, les jambes à ton cou, sans payer !