CamilleG

J’ai testé : l’urbex

Nous allons parler dans cet article d’un sujet obscure et interdit : l’urbex (Uber n’y est pour rien dans ce concept). L’exploration de lieux abandonnés, n’importe quels soient-ils : du manoir à l’hôpital désaffecté en passant par un couvant, une prison ou bien un bunker, la liste est longue.

Ces endroits, immortalisés en photos ou en vidéos, largement diffusés sur les réseaux sociaux ne cessent d’attirer la curiosité.

Pour faire simple, l’urbex (urban exploration en anglais) consiste à explorer des propriétés privées abandonnées en respectant trois règles d’or : ne pas donner l’adresse des lieux, ne rien casser et ne pas tenter le diable. Certains rapportent que ces lieux sont hantés. Je tiens fortement à déconseiller cette pratique qui est bien évidemment interdite et punie par la loi (vous risquez une garde à vue et une amende, voire pire), et surtout dangereuse. Les bâtisses sont vétustes et la sécurité à désirer. Chaque année de jeunes intrépides perdent la vie lors d’une mauvaise chute.

Faites ce que je dis, mais pas ce que je fais…
Plus  jeune (et trop curieuse) j’adorais partir à l’aventure dans des endroits laissés à l’abandon. J’imaginais une histoire pour chaque place visitée. Je n’avais aucune idée que mes escapades portaient le nom d’urbex.

Et puis j’ai remis le couvert
Par une froide après-midi de janvier où les températures avoisinaient les six degrés, j’ai enfilé un jean noir et une bonne vieille parka kaki pour me fondre dans le décor. Ambiance camp de militaire mais sans les armes. Équipée d’une lampe frontale et de mon appareil photo je suis partie à la conquête d’un lieu où fin décembre j’avais pris la peine de faire du repérage.

Histoire du bâtiment que vous allez découvrir : au lendemain de la deuxième guerre mondiale, cette propriété abrita une clinique. D’ailleurs un immense parc s’étale aux pieds des bâtiments. Une petite tour octogonale surmonte un porche sur la partie droite des bâtiments. La clinique cessa de fonctionner dans les années 50 et la propriété resta à l’abandon. Depuis fin 90, elle appartient à la municipalité.



Après trente minutes de route me voici garée à deux pas du manoir au clocher. J’attendais patiemment mon ami dans cette rue passante. C’est samedi, les voitures circulent et les civils se promènent. Bordel, il va falloir entrer discrètement sans se faire remarquer ou je vais terminer les menottes au poignet. Pas question de jouer les plantes vertes trop longtemps à la vue de tous, en plus je commence à me les peler, tant pis je rentre dans le jardin et il m’y rejoindra. Une affiche placardée sur les grillages attire mon attention. Dans quelques minutes je vais devenir une hors-la-loi.

L’opex (exploration extérieure) commence
Alors que je faisais prudemment le tour du propriétaire en repensant aux recommandations de MamanG « attention aux pièges à loup dans les hautes herbes ou tu vas perdre ta jambe« , je remarque, au loin dans un champs, une personne vêtue de noir, statique qui m’observe. Mince ! Coup de stress. Je suis repérée. Ni une ni deux, je cours me plaquer contre un mur de la demeure, tant pis pour les pièges, les mines et j’en passe, faut se barrer de là. Je prie pour le poste de police ne soit pas trop lugubre, j’entends déjà au loin les sirènes retentir. Je sors mon talki (non je déconne, ça va trop loin), je sors donc mon téléphone et j’appelle mon pote.

– « Ouais j’arrive Camille, je me suis trompée de côté. »
– « ON ANNULE LA MISSION, JE RÉPÈTE, ON ANNULE MISSION. CIVIL A TROIS HEURES. Enfin y’a un mec louche pas très loin quoi… »
– « Mais c’est moi qui suis ta gauche patate ! »

Fini la rigolade, passons aux choses sérieuses
Toutes les entrées et fenêtres sont condamnées par des murs bétonnés. Lors de mon repérage je n’avais trouvé qu’une seule issue possible : un trou de taille moyenne dans le béton d’une porte-fenêtre. Je croisais les doigts pour qu’il n’ait pas été rebouché pendant les vacances de Noël. Si cela avait été le cas, vous vous en doutez, je n’aurais pas publier cet article.

« Tu es en train de me dire que l’on va devoir ramper par ce trou minuscule ?
C’est l’idée. Et à vrai dire on n’a pas le choix. »

Des morceaux de verre, certainement ceux de la fenêtre brisée, tapissent le sol. Zut, j’ai oublié de prendre des gants ! Je m’approche du sombre trou. Et si quelqu’un nous attendait à l’intérieur pour nous poignarder ? Et si à l’étage dans une des chambres gisait un cadavre ? Et si le mur en béton s’écroulait sur moi au moment où je pénétrais dans le manoir ? Et si une âme perdue prenait possession de mon corps ? Autant de questions qui me laissaient perplexe… Pourquoi ai-je autant d’imagination dans ces moments-là, c’est surtout ça la bonne question !

« Bon je me sacrifie pour rentrer la première. Couvre-moi on ne sait jamais. »

En vrai, je n’étais pas sûre de mon coup et je priais pour que mon ange gardien veille sur moi. J’allume ma lampe frontale et pars à la conquête des ténèbres.
J’entends déjà les frottements de ma belle parka contre le béton. Ah nan mais j’étais pas prête pour abîmer ce manteau en fait !! Mais dans quoi je m’embarque encore ?

L’entrée est sacrément petite quand même…

A l’intérieur de cette première pièce qui semble être un petit salon, à la vue de la cheminée, une ambiance lourde me glace le sang. Le silence qui pèse dans ce lieu me donne la sensation d’être dans un cimetière. Par terre s’entremêlent des brisures en tout genre. Du plâtre, du béton, des bris de verre et certainement des insectes que je n’aimerais pas croiser. Derrière moi, mon pote, plus grand et plus baraque, galère à rentrer. Pourvu qu’il ne reste pas coincé, ça serait le pompon !

Suivez le guide et surtout ne vous perdez pas
Nous avons passé près de deux heures dans le labyrinthe de cette demeure abandonnée. Nous avons exploré et immortalisé de photos les quatre niveaux et emprunté plus de cinq escaliers. Au fil des minutes je me sentais presque comme à la maison, malgré les courants d’air et le manque d’électricité. Quelques messages d’avertissements inscrits « DIE » sur les murs me rappelaient à la réalité. Je ne suis de toute évidence pas la bienvenue ici et des squatteurs sont déjà passés par là comme en témoignent les nombreuses bouteilles d’alcool vides et les bougies posées par ici et par là.

Je vous laisse découvrir en photos le fameux manoir au clocher et je vous dis à tout à l’heure pour la conclusion.

Crédit photo : Jérémie L.

Crédit photo : Jérémie L.

Crédit photo : Jérémie L.

Crédit photo : Jérémie L.

Bilan de cette aventure
Etant passionnée par les aventures, les découvertes et la photo, j’ai adoré parcourir cette demeure. Parfois je mourrais de trouille au moment de pousser les portes entrouvertes. Sur quoi allais-je tomber ? La peur du danger et des mauvaises rencontres ne m’ont pas fait baisser la garde un seul instant. Nous avons été prudents. Nous n’avons pas pu atteindre le grenier du manoir car l’escalier en bois qui y conduit était fortement abîmé, trop pentu et n’inspirait absolument pas confiance.

L’atmosphère du lieu m’a fait ressentir à la foi de la gêne, de l’excitation, de la joie, et un peu de la peine. Je marche là où des gens ont vécu. Qui étaient-ils ? Je brise l’ambiance de paix qui flotte ici et je suis bien consciente que je n’ai rien à faire ici. Je brave l’interdit sans vraiment culpabiliser. Cependant, j’espère secrètement ne pas avoir dérangé l’âme de ce manoir.