Peut-être avez-vous lu mon article sur mon expérience avec l’urbex ? Si ce n’est pas le cas et bien tant pis pour vous ; ) Et si vous l’avez fait, cet article va vous plaire ! Je continue de vous faire découvrir ce concept, mais cette fois-ci avec l’interview d’un habitué de l’exploration interdite.
Nous allons creuser ce sujet obscur et interdit que le fondateur du site glauqueland.com a pour passion : l’urbex
Ces endroits, immortalisés en photos ou en vidéos, largement diffusés sur les réseaux sociaux ne cessent d’attirer la curiosité. Impossible de géolocaliser leur emplacement : c’est une des règles d’or de l’urbex. Pas d’adresse, pas de détérioration, et surtout pas de prise de risque sont les bases de cette activité extérieure. Chaque année de jeunes intrépides perdent la vie lors d’une mauvaise chute…
Qui sont ces ferreux explorateurs qui ont décidé de risquer une amende, une garde-à-vue et même leur vie en crapahutant dans des endroits plus sinistres les uns que les autres ? Quelles sont leurs motivations ? Est-ce qu’il est vrai que des âmes hantent ces bâtiments vétustes ?
Pour y répondre, j’ai interviewé Timothy. Cet aventurier trentenaire ans multiplie les explorations urbaines pour en faire des articles photos et des croquis. Ses expériences mélangent curiosités, cours d’histoire et découvertes du patrimoine. Sa passion a trouvé preneur dans l’édition puisqu’il a publié un livre « URBEX : 50 lieux secrets et abandonnés en France ». Depuis, les médias s’intéressent de près à ce jeune homme intrépide qui ne quitte jamais sa casquette kaki.
Prends place Timothy, pour une fois tu ne vas pas t’embarquer dans une pièce sombre remplie de poussière et d’insectes inconnus. Pas de piège prévu ici !
Quand et comment t’est venue l’idée de partir à la conquête du passé dans des endroits laissés à l’abandon ?
Je fais ça depuis tout petit par curiosité, pour l’aventure et pour le frisson. Ma toute première visite date de 1989, j’avais une dizaine d’années. Le temps passant, je me suis intéressé aux lieux, à leur histoire et pourquoi ils avaient été abandonnés. C’est depuis le début des années 2000 que je publie mes explorations sur mon site.
Combien d’explorations as-tu à ton actif ? J’ai cru en apercevoir plus de 100 sur ton site !
Il y a actuellement un tout petit peu plus de 200 lieux répertoriés sur mon site. Certaines explorations sont plus longues, intéressantes ou riches que d’autres, ça dépend du lieu, de son histoire, de ce qui s’y passe… J’aime autant visiter les petites bicoques que les grands sanatoriums.
Je ne comprends absolument pas pourquoi les gens quittent subitement des lieux ? On trouve même des meubles, des vêtements dans certains de ces endroits. Tu aurais une explication ? Des gangsters pourchassés par les forces de l’ordre ?!
Dans la majorité des cas c’est une personne âgée qui décède, et la famille n’arrive pas à vendre la maison ou à l’entretenir (car trop loin, trop coûteux etc). Dans le pire des cas, le lieu est tout simplement «oublié», et au bout de quelques années, un site non entretenu est envahi de végétation. Passant devant, des personnes se demanderont comment c’est dedans, et iront le visiter. Parfois ce sont des cas particuliers : le personnel d’un hôpital est délocalisé et personne ne prend le temps de nettoyer ou de ranger avant de partir.
Mais enlève-moi d’un doute. Les fantômes, les vampires et j’en passe, rassure-moi tu n’en n’as pas croisés ? Certains de tes confrères Youtubeurs partent à la chasse aux démons et c’est à croire qu’ils truquent leurs vidéos debriefing ?
Je pratique l’urbex depuis que je suis petit, de jour comme de nuit, et je n’ai jamais rien vu, entendu ou ressenti d’étrange dans ces lieux, alors que j’adorerais ! En une trentaine d’années j’ai croisé des promeneurs, des petits vieux cueillant des champignons, des joueurs d’airsoft (ndrl paintball), la Police, des vigiles, des photographes et des modèles un peu dénudés, des biches, des chatons, des lézards, mais jamais rien de surnaturel. Un bruit suspect ? Dans une maison abandonnée c’est normal. Une trace sur ma photo ? L’humidité. Se sentir mal dans un hôpital abandonné ? Normal. L’autosuggestion joue pour beaucoup là-dedans.
Pour ce qui est des YouTubeurs, ils semblent avoir beaucoup de chance ! A chaque fois qu’ils visitent une maison hantée, quelque chose de surnaturel se passe ! C’est vraiment cool pour eux et j’aimerais qu’il m’arrive la même chose, mais visiter des lieux « qui font peur » pour y faire des vidéos « qui font peur » me semble aussi original que de poser une étiquette « tartelette aux framboises » sur une tartelette aux framboises. Je préfère surprendre les gens avec du positif : la beauté du lierre qui recouvre une façade, un lac serein dans lequel se reflète le manoir, le silence d’un château en ruine ponctué par le chant des oiseaux… L’exploration urbaine, pour moi, c’est ça. Donner aux gens de quoi rêver ou réfléchir, les rendre curieux de ce qui les entoure, pas juste copier Blair Witch.
Est-ce que tu gardes en tête une visite qui t’a marqué ?
La dernière visite que j’ai faite aurait pu mal tourner pour moi. Il s’agit d’un lieu original, un peu dégradé, mais unique en son genre. Je voulais le documenter depuis longtemps pour le mettre dans le prochain livre. Après avoir fait des photos durant deux heures je suis retourné près de la piscine où j’avais vu un ragondin bronzer au soleil. M’accroupissant au bord, j’ai vu que l’animal n’était plus là. Entendant un bruit dans un buisson de ronces situé derrière moi, je me retourne et me dis «Ah, ça doit être M. Ragondin qui revient…» et là, la flippe totale, je vois en fait une paire de chaussures. Toujours accroupi, et relevant la tête, je vois un pantalon, une veste, puis un visage : est-ce un vigile ? Le propriétaire ? Un voisin qui surveille ?
Je le vois tourner la tête et scruter le site. En un éclair, je me rends alors compte qu’il ne me voit pas, étant caché derrière le buisson de ronces. L’adrénaline est à son maximum car je me souviens de ce qui était écrit sur les 3 ou 4 panneaux que j’ai croisés en pénétrant sur le site : « Accès interdit sous peine de poursuites ». Je me dis « C’est bon, le mec n’a qu’à contourner le buisson et me cueillir, je suis foutu…» sauf que… Miracle ! Le type se promène un peu partout sauf là où je suis, et avance tranquillement dans la direction opposée d’où je suis caché. Une minute plus tard, je le vois, à cent mètres de moi, tourner derrière un entrepôt. C’est le moment que je choisis pour courir dans la direction opposée et sortir du site en galopant comme je ne l’ai fait ! Si le type était arrivé sur le site cinq minutes plus tôt, il m’aurait surpris en plein milieu du site. L’exploration urbaine, c’est parfois de gros coups de chance !
Tu as déjà été arrêté lors d’une de tes urbex ? Peut-être que tu as un casier judiciaire ?
J’ai été arrêté de nombreuses fois, et à chaque fois il s’est passé la même chose : contrôle d’identité, on me raccompagne dehors et basta. Une fois on m’a emmené au commissariat, j’ai dû effacer mes photos (que j’ai récupérées par la suite), et c’est tout. J’ai reçu des emails de propriétaires me demandant de retirer les photos de leur propriété de mon site, ce que j’ai fait sans aucun problème. Casier vierge.
Qu’est-ce que tu ressens quand tu fais des explorations urbaines ?
L’humeur peut varier suivant la météo et le type de lieu, mais en général je me sens très heureux de faire un break vis-à-vis du « vrai » monde. Tout comme les gens le sont lors d’une randonnée, en fait. C’est une promenade de curiosité, on se pose des questions, on découvre des choses, on visite des types de lieux dans lesquels on ne pourrait jamais accéder en temps normal (prison, usines). C’est une expérience vraiment variée. A force de faire ça, je suis habitué, donc je n’ai presque plus peur, mais il suffit qu’une porte claque dans un vieux manoir et hop, le cœur bat à cent à l’heure comme si c’était le premier lieu que l’on explorait, enfant, la peur au ventre de se faire attraper.
L’urbex que tu rêves de faire ? En France j’ai cru comprendre que nous étions des petits joueurs comparé aux terrains de jeux que l’on peut trouver en Asie par exemple.
Je connais mal les lieux en Asie, mais le peu que j’ai vu (Chine, Vietnam) me tente beaucoup car ça ne ressemble vraiment à rien de ce que j’ai déjà pu découvrir. Mais en fait je n’ai pas de rêve précis car n’importe quel endroit de n’importe quel pays peut donner lieu à un récit intéressant à partager. On peut très bien visiter un sublime hôtel abandonné en Italie et n’avoir rien à dire, puis visiter une ferme en Seine-et-Marne à 30 minutes de chez soi, ferme que l’on pensait être en ruine et qui finalement se compose d’un manoir que l’on ne voit pas du tout sur les vues satellites ! C’est ça, le rêve : la surprise, le hasard et avoir quelque chose à raconter après.
Merci Timothy d’avoir pris le temps de répondre à mes questions.
Merci à toi d’avoir pris contact !
Si vous souhaitez en découvrir davantage sur Timothy, c’est par là :
Site Internet : glauqueland.com
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Twitter : @GlauqueLand
Instagram : @acupoftim
Son livre : URBEX : 50 lieux secrets et abandonnés en France, aux éditions Arthaud