SHAYE GROVES : comment cette fan de true crime est passée à l’acte

Aujourd’hui, je vais vous parler de l’affaire sombre de Shaye Groves : de son obsession pour le crime jusqu’à sa condamnation. À travers les moments-clés, vous découvrirez comment une fascination pour le macabre s’est transformée en un drame réel.

Janvier 1996 – Naissance et enfance troublée

Shaye Groves naît dans le Hampshire, un comté anglais situé sur la côte sud de la Grande-Bretagne. Très tôt, elle subit des violences physiques et sexuelles. Son enfance est marquée par des traumatismes profonds qui laissent des cicatrices durables.

Ni la presse, ni les documents judiciaires, ni ses propres déclarations n’ont révélé l’identité de la personne responsable. Les médias se contentent de mentionner « son enfance traumatisée » sans préciser s’il s’agissait d’un membre de la famille, d’un proche ou d’un tiers.

L’école ne lui offre aucun refuge. Partiellement sourde, Shaye commence à porter un appareil auditif à 11 ans, ce qui en fait une cible facile pour des camarades cruels, qui se moquent de tout ce qu’ils ne comprennent pas. Elle est sans cesse harcelée à cause de son appareil auditif, de son apparence et de ses centres d’intérêt « gothiques ».

Années 2010 – La bascule vers le trouble psychologique

Shaye vit en marge de la société, attirée de plus en plus par le côté sombre de la vie : l’horreur, le heavy metal et le symbolisme occulte. Elle développe une obsession pour les armes (couteau papillon, poignard, haches) et une fixation croissante pour les tueurs en série.

L’isolement devient accablant. À l’âge de 13 ou 14 ans, elle est orientée vers une évaluation de santé mentale et reçoit un diagnostic, probablement erroné, de trouble bipolaire.

Au milieu de son adolescence, Shaye fuit son foyer violent, espérant trouver quelque chose – n’importe quoi – de mieux. Mais elle se retrouve à passer d’une relation violente à une autre, chaque partenaire semblant pire que le précédent.

Pendant cette période, elle sombre progressivement, recourant à l’alcool, aux drogues et à l’automutilation.

À un moment donné, elle se définit comme « goth », cultivant un humour noir et macabre, une obsession pour le crime, le meurtre et les tueurs, ainsi qu’un fort intérêt pour les armes mortelles, la pornographie de viol et les relations sexuelles brutales. Elle prend l’habitude de porter un couteau à cran d’arrêt au talon de sa botte lorsqu’elle sort et de garder une dague celtique, un pistolet à billes et deux haches dans sa chambre.

Avril 2017 – Naissance de sa fille

À 20 ans, une lueur d’espoir apparaît lorsque Shaye rencontre Ashley Wingham, né lui aussi en 1996, courant 2016. Leur relation semble relativement saine comparée à ses expériences précédentes – du moins, exempte de violences manifestes. Alors qu’ils construisent leur vie ensemble, Shaye entame le difficile processus de guérison.

Discrétion médiatique : aucun média ne s’intéresse à Ashley Wingham. Pas de photos, pas d’interviews, pas de détails sur son âge, sa profession, ni sur sa relation actuelle avec Shaye ou leur enfant. Seule sa mention apparaît à travers les déclarations de Shaye durant son procès.

Puis la nouvelle qui change tout arrive : Shaye est enceinte. Pour la première fois de sa vie, elle a un objectif positif à atteindre. Elle arrête la drogue et l’alcool, cherche un soutien psychologique adapté. Elle est examinée juste avant la naissance et reçoit un diagnostic – à tort ou à raison – de trouble de stress post-traumatique complexe.

En avril 2017, Shaye donne naissance à une fille et embrasse la maternité avec un enthousiasme inattendu. De l’avis général, elle s’épanouit dans son nouveau rôle, consacrant tout son amour et toute son attention à son enfant.

Shaye Grove et sa fille

Mais cette stabilité est de courte durée. Peu après la naissance, Shaye et Ashley se disputent et se séparent, la laissant sans abri avec un bébé. Après un bref séjour dans un refuge pour femmes, elle renoue avec son amie d’enfance Lauren White, elle aussi mère célibataire depuis peu et employée chez KFC.

Shaye Groves et Lauren White emménagent ensemble, avec leurs filles, dans une maison, au 17 Botley Drive, à Havant, dans le Hampshire, en banlieue de Portsmouth, renforçant ainsi l’idée de leur lien très étroit.

La date exacte de leur installation commune n’est pas précisée dans les rapports.

Type et taille de la maison

  • Maison mitoyenne (terraced house) construite entre 1950 et 1966

  • Superficie intérieure estimée à 91 m² (980 ft²)

  • 3 chambres (bien que certaines annonces indiquent 2 chambres, les données EPC mentionnent 5 pièces habitables), avec un séjour, une cuisine ouverte, une salle de bain à l’étage, un WC séparé, un jardin arrière, une petite dépendance et un stationnement privé. 


FOCUS SUR LES AMIS D’ENFANCE DE SHAYE GROVES

Lauren White (à droite sur la photo) et Vicky Baitup (à gauche mais je ne suis pas certaine à 100% que ça soit elle).

Shaye, Lauren et Vicky se fréquentent dès l’adolescence, formant un trio soudé mais déséquilibré.

Lauren White devient particulièrement sensible à la personnalité dominatrice de Shaye. Loyaliste influençable, Lauren est réputée comme l’amie toujours présente, y compris pour les idées les plus troublantes. Selon Vicky, Shaye a instauré une relation de pouvoir troublante, Lauren devenant presque soumise, reconnaissante de son amitié et prête à faire tout ce que Shaye lui demande.

Enfant déjà « étrange » et « unique », fascinée par les poupées Chucky et les ambiances sombres, Shaye attire les deux autres vers son univers particulier. Lauren et Vicky l’accompagnent dans ces goûts, partageant les après-midis à la maison, loin des autres.

Dès 2017 environ, Shaye et Lauren forment un duo étroit, souvent en retrait, cloîtrées ensemble et loin des autres – même Vicky fait alors moins partie du cercle. Une amie raconte que leur relation avait des aspects toxiques :
« Elle était très manipulatrice – Lauren n’avait pas beaucoup d’amies et Shaye était celle qui était toujours là pour elle. »

Malgré ses nouvelles responsabilités de maman, la personnalité profonde de Shaye reste inchangée. Toujours attirée par l’esthétique gothique, elle collectionne les tatouages – dont un tatouage facial représentant une dague lui transperçant l’œil.


Dans cette maison, Lauren joue un rôle de domestique à qui Shaye demande de faire certaines choses pour elle : laver ses vêtements, rouler ses cigarettes, préparer du thé, lui enfiler ses chaussettes. Shaye exerce un contrôle émotionnel important sur elle et, à deux reprises, elle a été violente envers elle.

Shaye & Lauren

Le besoin de contrôle de Shaye dépasse largement ses relations interpersonnelles. Elle installe des caméras de vidéosurveillance dans les parties communes de la maison, surveillant chaque mouvement dans leur espace commun (salon et cuisine), ne laissant à Lauren et à sa fille pratiquement aucune intimité. Une autre caméra a été trouvée dans la chambre, utilisée pour filmer des scènes à caractère sexuel (BDSM).
Cela correspond à son goût pour la mise en scène, le pouvoir et le contrôle — des thèmes récurrents chez certains tueurs qu’elle admirait.

2020–2022 – Fascination morbide et isolement

Lorsque la pandémie de COVID-19 frappe en 2020, Shaye se plonge dans des centaines d’heures de documentaires True Crime et dans la lecture d’ouvrages sur des criminels comme Charles Bronson. Son appartement devient un sanctuaire morbide : photos de tueurs en série, livres sur le crime, armes chez elle.

Les murs de sa chambre sont ornés d’affiches Etsy représentant huit tueurs notoires : Aileen Wuornos, Charles Manson, Rose West, Richard Ramirez, Myra Hindley, Ted Bundy, Jeffrey Dahmer et Peter Sutcliffe (l’Éventreur du Yorkshire). Ces affiches ne sont pas des supports pédagogiques, mais des portraits stylisés avec du sang coulant de leurs yeux, plus proches du fan art que d’études criminologiques.

Elle n’est pas seulement fascinée par les tueurs en série ; elle les idolâtre, non pour leur violence, mais pour leur ingéniosité à commettre des crimes et à échapper à la justice.

Février 2022 – La rencontre

Shaye, 27 ans, rencontre Frankie Fitzgerald, 25 ans. Tous les comptes rendus (presse locale, rapports judiciaires, podcasts) s’accordent à dire qu’ils se sont connus via Facebook en février 2022. Pourtant, dans le compte rendu du procès, il est indiqué : « Vous avez rencontré Frankie début février de l’année dernière, lors d’une soirée entre amis. »

Ils ont beaucoup en commun : tous deux sont parents célibataires (Frankie a deux enfants) et aiment profiter de la vie d’une certaine façon…

Frankie a des antécédents de violences conjugales envers son ancienne compagne, la mère de ses enfants, pour lesquels il a été condamné. Il a d’ailleurs avoué à Shaye qu’il pouvait se montrer violent.

Très rapidement, ils entament une relation passionnée. Frankie emménage chez Shaye à Havant (Hampshire, Royaume-Uni) dans les semaines qui suivent. Shaye partage publiquement leur relation sur les réseaux sociaux, avec des publications suggestives ou provocantes.

Mars – avril 2022 – Passion et contrôle

Environ un mois après le début de leur relation, des tensions apparaissent. Une violente dispute éclate le 12 mars 2022. Frankie se met en colère à cause d’un SMS d’un ancien petit ami de Shaye : Declan Payne. Il devient dangereusement jaloux de M. Payne, qui a vécu avec Shaye auparavant et avec qui elle est toujours en contact étroit.

Frankie consomme de la cocaïne et encourage Shaye à reprendre la drogue, qu’elle avait arrêtée à la naissance de sa fille.

Ce soir-là, le 12 mars, Shaye se mutile à nouveau, se coupant les jambes comme elle l’avait déjà fait. Frankie, frustré et agacé, constate que leur passion mutuelle, malgré son intensité, ne les rend pas heureux.

Leur relation est marquée par des jeux sexuels BDSM, mais aussi par une jalousie extrême. Shaye commence à surveiller les faits et gestes de Frankie : elle exige des vidéos lorsqu’il sort, lit ses messages, se montre de plus en plus possessive. Les disputes deviennent fréquentes, parfois violentes verbalement.

Shaye développe également des tendances manipulatrices. À un moment, elle prétend être atteinte d’un cancer, convainquant Frankie et son amie Lauren qu’elle est gravement malade et a besoin de leur soutien financier et émotionnel. Au procès, son ancien médecin généraliste atteste que Shaye n’a jamais eu de cancer.

Au fil de la relation, la santé mentale de Shaye se dégrade. La frontière entre BDSM consenti et abus sexuel disparaît. Lors d’un incident particulièrement troublant, filmé par la caméra de surveillance de sa chambre, Frankie se livre à des actes sexuels sans le consentement de Shaye. Il s’agit clairement d’un viol, comme l’a établi le procès.

Shaye utilise l’expression contradictoire de « viol consenti » lors d’une conversation avec Frankie. Repousser les limites de l’acceptable devient un élément central de leur dynamique de plus en plus dangereuse.

Le 22 mars, ils signent un « contrat sexuel » en présence de l’amie de Shaye, Vicky Baitup.

Vers avril 2022, Shaye rédige une lettre d’amour émouvante à Frankie, à peu près au même moment où elle écrit à son père pour lui annoncer son intention de se suicider. Ce n’était pas la première fois qu’elle exprimait des pensées suicidaires.

Lors du procès, elle explique aux psychiatres que Frankie pouvait être merveilleux avec elle, tant qu’il ne buvait pas et ne se droguait pas.

Mai – juin 2022 – Escalade des tensions

Début mai, les messages échangés entre les deux amants oscillent entre déclarations d’amour et insultes. Frankie traite Shaye de « putain de salope ».
Le 12 mai, il la menace dans un message : il la « brisera en deux » si elle couche avec quelqu’un d’autre, et « piétinera son autre amant », ajoutant que « le cancer sera le cadet de ses soucis ». Shaye transmet ce message à Vicky. Le 17 mai, Vicky lui dit qu’elle s’inquiète pour elle.

Au fil des semaines de juin et juillet, la jalousie devient maladive. Chacun fouille le téléphone de l’autre, impatient d’y découvrir des preuves d’infidélité. Shaye est persuadée que Frankie ne l’aime pas vraiment. Convaincue qu’il préfère son ex-compagne, la mère de ses enfants, elle est persuadée qu’il a passé la nuit chez elle et couché avec elle.

À partir de là, plusieurs indices suggèrent que Shaye commence à envisager un plan pour blesser gravement Frankie — sans pour autant avoir clairement l’intention de le tuer. Elle discute de cette idée avec Vicky, qui ne la prend pas au sérieux. Vicky pense que Shaye ne souhaite pas réellement blesser Frankie physiquement, mais craint que la situation dégénère. Elle décrit Shaye comme une « petite créature maigre, facilement cassable ». Comme toujours, elle l’exhorte à quitter Frankie, disant qu’elle le déteste.

Shaye envisage même d’utiliser les vidéos de surveillance de leur chambre contre lui, en les manipulant pour les rendre manifestement non consensuelles, et de les diffuser en ligne pour ruiner sa réputation.

Toujours le 12 mai, Frankie découvre un couteau caché sous l’oreiller de Shaye.

Il s’est plaint, comme le montre la vidéo lors du procès, que Shayne ait un
poignard sous son oreiller pendant leurs ébats ; et il lui a demandé si elle
avait l’intention de le poignarder à la gorge. Elle a répondu que non,
mais que le poignard était là pour être facilement accessible et la
protéger.

11 juin 2022

La jalousie envers l’ex-petite amie de Frankie continue de croître. Shaye la surveille sur Facebook et finit par la contacter. Le soir du 11 juin, elle prévoit de lui rendre visite, pensant y trouver Frankie. Ivres, elle et son ex, Ashley Wingham (le père de sa fille), se rendent chez cette femme et déposent des vêtements de Frankie sur le pas de sa porte.

La relation semble prendre fin, mais quelques jours plus tard, Shaye et Frankie se réconcilient. Le cycle de la toxicité reprend.
Shaye couche avec Ashley — et filme la scène.

Puis, elle commence à revoir un autre ex en parallèle : Declan Payne. Elle joue donc sur plusieurs tableaux.

4 juillet 2022

Une conversation filmée dans la cuisine de Shaye montre une discussion à demi-sérieuse. Elle évoque l’idée de faire tabasser Frankie par plusieurs amis dans une ruelle, pour lui infliger de graves blessures, voire pire.

14 juillet 2022

Une dispute majeure éclate entre le couple. C’est un moment charnière, considéré comme le début du basculement vers le meurtre.
Le dossier judiciaire n’en donne pas beaucoup de détails, mais la juge y voit un tournant décisif. On sait seulement que Frankie a fouillé le téléphone de Shaye, et qu’il lui a dit qu’il finirait par lui faire du mal.

15 juillet 2022

Le matin, dans une nouvelle vidéo enregistrée dans la cuisine, Shaye revient sur les événements de la veille. Son récit alarme profondément Vicky Baitup, qui s’inquiète sincèrement pour sa sécurité. Elle commente que la vie de Shaye est un « désastre ».

Shaye la rassure : elle affirme avoir des armes pour se défendre et pouvoir s’en servir contre Frankie. Elle dit : « Je te planterais ce couteau, putain, et je sais que je le ferais. » Elle évoque aussi une « longue peine » de prison.

Nuit du 16 au 17 juillet 2022 – Le meurtre

Alors que la fille de Shaye est chez son père, Shaye invite Frankie chez elle. Lauren White est également présente. Le couple boit de la bière et prend de la cocaïne. Frankie en consomme plus qu’elle, mais aucun des deux n’est dans un état d’incapacité.

Pendant la soirée, Frankie joue à des jeux d’argent en ligne, tandis que Shaye échange des messages affectueux avec Payne. Frankie, découvrant cela, envoie un message directement à Payne — qu’il ne connaît pas — pour lui dire d’arrêter de s’intéresser à Shaye.

À un moment, alors que Frankie ne surveille pas son téléphone, Shaye y accède et découvre une conversation Facebook entre lui et une fille qui se dit âgée de 13 ans. Elle ignore que Frankie l’a bloquée dès qu’elle a révélé son âge (en réalité, elle avait 17 ans). Shaye prend une capture d’écran de la conversation, à 3 h 12 du matin.

Submergée par la rage, elle monte dans la chambre où Frankie dort et le poignarde au cou avec un poignard celtique.

Le pathologiste constate que le coup nécessite une force modérée. La première blessure est immédiatement et irrémédiablement fatale. La gorge est ouverte de l’intérieur. La veine jugulaire interne gauche est complètement sectionnée, l’artère carotide commune gauche partiellement, provoquant une hémorragie massive et une perte rapide de conscience et de fonctions vitales. Frankie n’a aucune blessure défensive.

Shaye continue à le poignarder, à la poitrine et au cœur, à 19 reprises. Ces blessures auraient été mortelles, mais elles ont été infligées alors que Frankie était déjà mort ou agonisant.

Après le meurtre

Après le meurtre, Shaye aurait appelé Ashley Wingham, le père de sa fille, pour lui demander de l’aide. C’est lui qui lui aurait conseillé d’envelopper le corps dans du plastique et de nettoyer les murs couverts de sang.

Cette information ressort clairement du récit de Shaye au tribunal : selon ses dires, Ashley l’a escortée dans ses gestes post-meurtre. Cela montre qu’il a été contacté et qu’il a joué un rôle — volontaire ou non — dans ses manœuvres pour dissimuler le crime.

À ce stade, rien n’indique qu’Ashley ait été inculpé, ni même formellement soupçonné par la justice britannique. Les policiers n’ont évoqué aucune charge à son encontre.

Shaye envoie ensuite deux messages mensongers à Vicky Baitup, affirmant que Frankie a quitté la maison vivant. Elle se rend ensuite dans la chambre de Lauren et lui avoue le meurtre. Elle évoque l’option d’enterrer le corps dans le jardin et de faire passer l’affaire pour un suicide. Elle avertit Lauren qu’elle est désormais une « complice », l’ayant aidée à glisser des sacs-poubelles sous le cadavre.

Environ quatre heures après les faits, Shaye avoue le meurtre à Vicky Baitup lors d’un appel vidéo FaceTime, en lui montrant le corps. Vicky appelle immédiatement les secours au 999.

Il n’existe pas de vidéo brute accessible publiquement, mais plusieurs articles et documentaires YouTube en proposent des résumés et des retranscriptions. Ce témoignage filmé a marqué les esprits et a largement contribué à la condamnation de Shaye, révélant son sang-froid et sa capacité de manipulation.

Le témoignage de Vicky Baitup a par la suite été essentiel. Elle a décrit l’attitude de Shaye après le crime : ricanant, parlant de couvrir la scène, et prétendant que Frankie était suicidaire, dans une tentative de justifier son geste.

Analyse psychologique et criminologique

Shaye adopte un comportement manipulateur : elle sait qu’elle a une emprise sur Lauren — qui n’alertera jamais la police — et sur Vicky — qui pourrait, elle, agir. Elle compte donc sur la loyauté aveugle de la première et sur la confusion de la seconde.

Le contraste entre Lauren et Vicky révèle l’efficacité de la stratégie de Shaye : elle s’assure l’adhésion silencieuse de l’une, tout en tentant de désamorcer la réaction de l’autre par la manipulation.

L’arrestation

Lorsque les policiers arrivent le lendemain matin après 8h, Shaye leur ouvre la porte, vêtue d’un peignoir rose moelleux, une cigarette à la main, l’air parfaitement indifférent. L’odeur entêtante d’eau de Javel alerte immédiatement les enquêteurs. À l’intérieur, ils découvrent le corps de Frankie, enveloppé dans des sacs-poubelles, à l’étage, dans la chambre, ainsi que l’arme du crime, fraîchement lavée dans le lavabo de la salle de bains.

Shaye et Lauren sont aussitôt arrêtées. Shaye indique clairement que Lauren White « n’a pas participé » au meurtre et ne nie pas les faits. Elle déclare ensuite à une infirmière psychiatrique qu’elle ne mérite pas de couverture dans sa cellule car elle a ôté la vie à un homme ; que ce qu’elle a fait est inhumain ; et qu’elle va passer une longue période en prison.

Suite à l’arrestation, la police inculpe également Lauren pour non-coopération (refus de transmettre son code PIN). Lauren obtient finalement l’immunité en échange de son témoignage contre Shaye, confirmant que celle-ci était manipulatrice, violente, et l’avait contrainte à l’aider à nettoyer la scène du crime.

Les interrogatoires

Shaye est interrogée par la police, en présence de son avocat, à trois reprises dans les jours qui suivent. Elle répond « sans commentaire » aux deux premiers interrogatoires. Lors du troisième, elle invoque la légitime défense, affirmant que Frankie l’avait agressée après qu’elle l’a confronté au sujet des messages échangés avec une mineure. Selon sa version, il l’aurait saisie à la gorge jusqu’à ce qu’elle perde connaissance, la forçant à attraper l’objet le plus proche — un poignard — pour sauver sa vie.

Mais les preuves racontent une toute autre histoire. Les 22 coups de couteau dépassaient de loin tout scénario de légitime défense. L’analyse médico-légale indique que Frankie dormait au moment de l’attaque. Interrogée sur les coups portés après la blessure mortelle, Shaye déclare avoir continué parce qu’elle entendait le sang gargouiller et qu’elle voulait mettre fin plus rapidement et « humainement » à ses souffrances.

Février 2023 – Procès et condamnation

Sept mois après les faits, le procès s’ouvre devant la Winchester Crown Court. Shaye maintient sa version de la légitime défense, présentant des extraits de vidéosurveillance tournées dans sa propre chambre. Selon elle, ces images montrent Frankie en train de l’agresser sexuellement.

Mais l’analyse médico-légale révèle que les vidéos ont été manipulées : certains passages ont été coupés pour faire passer des rapports consentis pour des agressions.
L’accusation souligne que les séquences originales démontrent, au contraire, qu’il s’agissait de rapports consentis.

Malgré les trois clips édités, sur lesquels Frankie semble effectivement s’en prendre à Shaye, la police retrouve les versions complètes des vidéos, qui infirment totalement la thèse de l’agression.

Le procureur, Steven Perian KC, affirme que Shaye Groves a utilisé ses connaissances acquises en regardant des documentaires criminels pour se faire passer pour une victime de violences sexuelles.
Selon lui, après avoir tué Frankie Fitzgerald, elle s’est plongée dans des vidéos sur YouTube pour élaborer un faux récit de légitime défense, avec précision et méthode.

« La Couronne affirme que la défenderesse – en lisant et en regardant des documentaires sur les meurtres – connaissait les scènes de crime, savait comment créer un faux récit, et comment établir un faux alibi. »

Les médias britanniques rapportent que l’accusation a mis en avant sa familiarité avec les mécanismes de dissimulation et sa tentative méticuleuse de manipuler les preuves pour se créer une version crédible des faits.

Lauren et Vicky, toutes deux appelées à la barre, témoignent du comportement de Shaye après le meurtre : son sourire, ses rires, la désinvolture avec laquelle elle nettoie la scène du crime, tout en tenant des propos en contradiction avec une situation de légitime défense.

Un trouble de la personnalité… et une volonté de possession

« Vous souffrez d’un trouble de la personnalité émotionnellement instable, comme l’a constaté le Dr Cumming, psychiatre. Vous agissez de manière impulsive, sans anticiper les conséquences de vos actes. Ce trouble diminue légèrement votre degré de culpabilité », déclare le procureur.

Il poursuit :

« Vous aviez compris que votre relation avec Frankie touchait à sa fin. Vous perdiez votre emprise sur lui. Vous redoutiez qu’il vous quitte pour une femme moins toxique. Vous envisagiez déjà de vous rapprocher de M. Payne. Mais en découvrant les messages entre Frankie et une prétendue adolescente de 13 ans, vous avez perdu le contrôle.

J’admets que vous avez sincèrement cru qu’il échangeait avec une mineure, sans savoir qu’il avait mis fin à cette conversation dès qu’il en avait découvert l’âge supposé.

Vous avez agi dans un accès de rage. Si vous ne pouviez pas avoir Frankie, personne ne le pourrait. Vous y avez veillé. Aucune autre femme ne l’aurait eu. »

La condamnation

Le juge Timothy Kerr rejette formellement la thèse de la légitime défense. Il condamne Shaye Groves à la prison à vie, avec une période de sûreté minimale de 23 ans, moins les 217 jours déjà passés en détention provisoire.

Lors du prononcé de la peine, il déclare :

« Vous êtes une femme manipulatrice, possessive et jalouse.
La relation entre vous et M. Fitzgerald avait une dynamique dangereuse, marquée par des relations sexuelles brutales, la consommation de cocaïne et d’alcool.
Vous avez perdu votre sang-froid et agi impulsivement. Vous aimiez l’homme que vous avez tué, et vous avez tué l’homme que vous aimiez. »

Il insiste sur le caractère passionnel du crime, le qualifiant de tragédie, plus que de préméditation froide :

« Ce n’était pas un acte réfléchi, mais un crime passionnel. »

J’ouvre une parenthèse intéressante : la reconnaissance du crime passionnel varie considérablement entre l’Angleterre et la France, tant du point de vue juridique que culturel. Cette notion, autrefois atténuante dans certains procès français, est aujourd’hui plus controversée, alors qu’au Royaume-Uni, elle ne bénéficie d’aucun statut atténuant automatique.

Il s’agit d’une expression médiatique et sociologique, parfois utilisée pour atténuer la responsabilité morale perçue d’un meurtrier. Depuis les années 2000, la justice française tend à délégitimer cette notion face aux violences conjugales. Elle peut désormais aggraver la peine si le crime est commis par conjoint ou ex-conjoint.

Mais l’Angleterre a une loi spécifique sur les meurtres commis sous l’effet d’émotions extrêmes : la défense dite de « loss of control » (perte de contrôle), introduite par le Coroners and Justice Act 2009.

  • Si un meurtrier prouve qu’il a agi sous un choc émotionnel intense causé par :
    • Une provocation grave
    • Une peur sérieuse de danger physique
  • Alors, le meurtre peut être requalifié en homicide involontaire (manslaughter), avec une peine généralement réduite.

Mais attention : la jalousie ou la vengeance amoureuse ne suffisent pas à invoquer « loss of control ».

Dans le cas de Shaye Groves, par exemple, le jury a rejeté cette défense : malgré les émotions, son acte a été jugé comme un meurtre avec préméditation.

Après la condamnation, l’inspectrice-chef Nicola Burton a déclaré que M. Fitzgerald, le père du défunt, était décédé lors d’une « attaque choquante et soutenue ».

Dans quelle prion Shaye Grove est-elle ?

Actuellement, il n’existe aucune information publique confirmée concernant l’établissement pénitentiaire où Shaye Groves purge sa peine. Les autorités pénitentiaires britanniques ne divulguent généralement pas ces détails pour des raisons de sécurité et de confidentialité.

Cependant, étant donné sa condamnation à une peine de réclusion criminelle à perpétuité avec une période minimale de 23 ans, il est probable qu’elle soit incarcérée dans l’une des prisons de haute sécurité pour femmes au Royaume-Uni, telles que :

  • HM Prison Bronzefield (située à Ashford, dans le Surrey). Il s’agit d’une prison pour femmes adultes et jeunes délinquantes. C’est la seule prison privée spécialement conçue pour les femmes au Royaume-Uni et la plus grande prison pour femmes d’Europe.

  • HM Prison Low Newton (près de Durham). C’est une prison de haute sécurité réservée aux femmes et un établissement pour jeunes délinquants. Elle accueille également un petit nombre de mineurs et de condamnés à perpétuité. Low Newton abrite également le « Projet Primrose », conçu pour traiter les femmes souffrant de « troubles de la personnalité dangereux et graves », la seule prison pour femmes au Royaume-Uni dotée d’une telle unité. 

  • HM Prison New Hall (près de Wakefield). C’est une prison locale pour femmes qui accueille toutes les catégories de détenues adultes. Elle accueille également des jeunes délinquantes et des mineures placées en détention provisoire. L’hébergement se fait principalement en cellules. La prison comprend une unité mère-enfant, un centre de soins, une unité d’isolement et quelques dortoirs.

Ces établissements accueillent des détenues classées en catégorie A, c’est-à-dire présentant un risque élevé pour la sécurité publique.

La fine frontière entre intérêt et obsession

Pendant la pandémie, des millions de personnes ont augmenté leur consommation de contenus liés aux faits divers – podcasts, documentaires, livres et forums en ligne. La plupart ont conservé une perspective saine, comprenant la gravité du sujet et l’abordant avec empathie pour les victimes. Mais pour une personne comme Shaye, avec son passé marqué par les traumatismes, la maladie mentale et ses tendances manipulatrices, ce contenu est devenu une véritable source d’inspiration. Pour un esprit perturbé, ces histoires peuvent servir de manuels d’instruction plutôt que de mises en garde.

Pour la plupart d’entre nous, les histoires criminelles représentent une tentative de comprendre les aspects les plus sombres de l’Homme avec une certaine distance. Nous sommes attirés par ces histoires car elles nous aident à gérer nos peurs, à comprendre les signes avant-coureurs et, peut-être, à nous sentir mieux préparés à affronter un monde qui semble parfois chaotique et dangereux.

N’oublions pas que ces derrière ces crimes et chaque titre sensationnel se cachent un chagrin et un traumatisme incommensurables.

Consommons le contenu basé sur des faits divers avec conscience, empathie et engagement à honorer les victimes plutôt qu’à glorifier leurs meurtriers.

4 Commentaires

  1. tygreat lydia
    26 juin 2025 / 10 h 21 min

    Voilà une histoire qui du défrayé la chronique !

    • CamilleG
      Auteur
      26 juin 2025 / 13 h 33 min

      oui mais franchement avec sa tête je ne suis même pas étonnée 🙁

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