Je me suis toujours répétée que rien n’arrivait par hasard dans la vie. Mais quand je me suis abîmée le pied en Thaïlande (alors que je courrais agilement en direction du restaurant pour échapper à la pluie, que je me suis retrouvée bloquée dans un trou et que mon pied a vrillé) je me suis demandée quel était le but de ce douloureux événement. Mis à part dynamiser l’économie médicale du pays et claquer 10 000 bahts (soit presque 300 euros) aux urgences privées de l’île de Koh Phangan, et par la même occasion pourrir mes derniers jours de paradis, je ne voyais pas grand intérêt à souffrir le martyre.
Devrais-je dans un premier temps revenir sur la façon dont vous êtes soigné en Thaïlande ?
Il me semble primordial d’étaler mon retour d’expérience. A tous les (futurs) voyageurs qui me lisent, n’oubliez pas de souscrire une assurance avant de partir à l’aventure (vérifiez si votre carte bancaire vous couvre correctement) !! La première question que l’on vous pose avant de vous examiner n’est pas « où avez-vous mal ? » mais « vous payez en cash ou par carte ? ». Pas d’argent, pas d’assurance ? Pas de soin, vous restez à la rue, que l’établissement soit privé ou public. Fin de l’histoire. #CrèveLaBoucheOuverteCommeAuxUSA.
Avec le recul, 1h30 plus tard après mon passage en caisse, je me suis demandée dans quel merdier j’avais mis les pieds (c’est le cas de le dire). Après avoir indiqué que je réglerai l’addition (hyper salée au passage) en espèce, le médecin s’est enfin approché de moi et m’a parlé dans un anglais (très) incertain. « C’est pour votre genoux ». (oui j’avais quelques égratignures dues à ma cascade) EUH NON j’ai juste la malléole gauche de ma cheville de la taille d’une balle de golf mais tout va bien, concentrons-nous donc sur le genoux, pourquoi pas !
» Ah oui je vois. Moto bike accident ? » Oui la Thailande est réputée pour ses accidents mortels (ou pas) de scooters. MAIS JE SUIS UNE PILOTE MOI ! « Chute en plein running (de sportive à haut niveau) » « Vous êtes d’accord pour payer 2 500 bahts et effectuer les radios ? » AI-JE VRAIMENT LE CHOIX ? TU COMPTES DIAGNOSTIQUER COMMENT SINON ? En temps normal, les premiers soins se passent ainsi : on vous positionne la jambe en l’air et on vous met une poche de glace. Je n’ai pas eu de chance. Je me suis retrouvée la jambe pliée et avec un petit sac tiède sur la cheville.
10 minutes plus tard alors que la douleur ne cessait d’augmenter, je partais faire mes radios. Le docteur n’a pas réussi à donner de verdict quant à la situation pédestre. « On voit mal sur les radios. Faire un IRM en France ». Ah d’accord… Et c’est ainsi qu’une infirmière me banda le pied et me vendit des béquilles (qui rendirent l’âme au bout de 2 minutes de marche, véridique).
Made in Thailand
Inutile de préciser qu’ils ont mis leur bandage de sorte à me tordre et à me déformer le pied. En rentrant au pays, 72 heures plus tard après l’accident, je me suis précipitée aux urgences françaises et l’équipe urgentiste a halluciné. Bref…Me voilà désormais plâtrée avec l’interdiction de poser le pied par terre.
Je vis ma vie depuis 12 jours sur une jambe, l’autre étant devenue bleue. J’aurais voulu croire que je me transformais en Stroumphette mais la vérité est évidemment moins marrante. Je suis handicapée. Avant lorsque je croisais des collègues plâtrés, limite je les enviais : « ah ouais trop bien, toi tu fais du sport en permanence ».
La vérité est tout autre. Il faut le vivre pour le comprendre.
1 – Se déplacer : relève d’une mission sans nom. Pourtant je suis sportive, un minimum musclée mais je ne tiens pas plus de 30 mètres en béquille. Mon coeur s’emballe (comme si j’avais croisé Robert Pattinson) et ma jambe « support » enchaine les courbatures. Sans parler des bras et des mains, qui à force de maintenir la béquille deviennent douloureux. Je pourrais également évoquer les déplacement dans les escaliers : sur les fesses ou sur les genoux la jambe plâtrée à l’horizontal (je parie qu’ils font la même au yoga). Ou bien vous raconter comment monter et descendre d’une voiture se rapproche du calvaire. Bref c’est une galère et rien que d’y penser je préfère parfois tout annuler et rester allongée. Ah et puis la marche à cloche pied, franchement c’est horrible. Petite parenthèse : merci la France pour avoir inventé les normes handicapées. Seconde parenthèse : merci à mes proches qui contribuent à mon déplacement aux rendez-vous médicaux (sans vous je me ruinerai en Uber)
Le caddie peut aussi faire office de chaise roulante
2 – Les fringues : ahaha la bonne blague. J’espère que tu kiffes les joggings. Vu la saison hivernale tu ne vas pas sortir du placard tes jupes, tes robes ou tes shorts. Vestimentairement parlant laisse moi t’avertir que tu ne ressembleras à rien, sauf peut-être à un gros sac. Bon courage pour enfiler ta culotte et ton pantalon. Fashion conseil : si tu reçois des mecs potentiels chez toi, sors donc ta djellaba (mais vu l’actualité, ne t’amuse pas à mettre le pied dehors dans ton immeuble ainsi, tu risquerais d’être fichée…Il ne manquerait plus que ça au tableau).
3 – Les actes médicaux : crois-moi, les piqures quotidiennes et les prises de sang régulières te réconcilieront avec les aiguilles. Cette phobie sera soignée sans avoir consulté un hypnotiseur. Voilà ENFIN un point positif. 4 – Le ménage : j’espère que tu as des amis serviables…
5 – La douche : ahah ! C’est le moment magique ! Surtout si tu n’as pas de baignoire. Franchement ? BON COURAGE. Fais gaffe à ne plas glisser et à te péter l’autre jambe, ça serait dommage.
6 – Le poids : ma pire crainte. Comment garder la ligne en restant principalement inactive ? Mis à part ne plus manger je ne vois pas d’autres solutions… Au moins tu n’es pas tenté de sortir au supermarché du coin. Bah non tu ne peux pas bouger. Pratique contre les fringales. A toi les tupperware healthy préparés par Maman. #JeVeuxDuChocolat !
7 – La nuit : une fois que tu as trouvé ta position pour dormir, surtout garde la. Et ne t’étonne pas si la couette pèse sur ta jambe. Il va falloir faire avec…
8 – Les douleurs : même une fois allongée, elles te rappelleront ta chute et ta situation d’immobilisation. Les Doliprane 1000 ne feront pas effet mais puisque que tu es sous anti-coagulant, tu ne pourras rien prendre d’autre. Que la force soit avec toi. Depuis que je me traîne une patte en moins, je me rends compte de la chance que j’ai de pouvoir utiliser mes membres postérieurs. Parfois il faut des accidents pour apprécier les choses simples de la vie comme marcher… Je suis plus que reconnaissante quand je vois la mobilisation de mes proches. Merci à vous tous de me rendre cette période plus facile (et moins déprimante).
La prochaine fois que vous irez mal à cause d’une dispute, d’un dossier relou ou d’une contrariété finalement pas si grave, pensez donc aux gens qui vivent avec de graves maladies (et à ceux qui sont immobilisés la jambe plâtrée dans leur canapé et qui redoutent 18h, le moment de leur piqure quotidienne).